L’ASSE avait instauré sous Christophe Galtier le salary cap. Un système que David Gluzman souhaiterait voir généralisé en Ligue 1. Banquier et intervenant dans l’After Foot s’explique. Retranscription.

 

Un salary-cap à remettre à l’ordre du jour ?

David Gluzman dans l’After Foot : “Je prône l’instauration d’un plafond salarial ou d’un mécanisme de contrôle des dépenses parce que cette crise des droits TV nous montre que ça devient plus qu’urgent. J’ai été plus qu’agacé des sorties des différents présidents de Ligue 1. Il est impératif d’ajuster les dépenses aux revenus et pas les revenus aux dépenses. Ce n’est pas normal qu’il y ait dix clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 qui aient une masse salariale supérieure à 100 % de leur chiffre d’affaires. Autrement dit, chaque année, tout ce qu’ils gagnent, ça ne sert même pas à payer leur joueurs. Plus de 10 clubs sont dans cette situation. Il y a des clubs qui montent au-dessus de 130 %. Bordeaux, Saint-Étienne, Nice, Rennes, Troyes… sont des exemples. Mais, ça c’était en saison 2022-2023, parce qu’on rappelle que les clubs clôturent leurs comptes au 30 juin de chaque année.”

La Ligue 1 dépendante des Droits TV

David Gluzman : “L’avantage du salary-cap, ça permettrait de nous rendre moins dépendants à trois niveaux. Les clubs de Ligue 1 sont dépendants des droits télés. C’est quasiment 40 % des revenus des clubs. Voire pire à Montpellier où ça monte à 68 %. On a entendu que Laurent Nicolin n’était pas très content et a même forcé un peu la main de Canal pour faire une offre sous couvert de patriotisme économique. On comprend quand les droits de l’Etat représentent 70 % de ses revenus.”

La Ligue 1 dépendante des Transferts

David Gluzman : Ça réduirait la dépendance des clubs de Ligue 1 au marché des transferts. Le marché des transferts, je vais vous donner deux chiffres qui vont vous souligner la dépendance des clubs de Ligue 1 au marché des transferts, qui est quasiment une drogue. Les clubs de Ligue 1 perdent 870 millions d’euros au cumulé avant le marché des transferts, avant le droit de mutation, et 273 millions d’euros après. C’est-à-dire qu’ils ont accès transfert à hauteur de 600 millions d’euros, sinon avant, c’est quasiment un milliard de pertes.
C’est se soumettre volontairement aux aléas que peuvent constituer le marché des transferts.”

La Ligue 1 dépendante de ses actionnaires

David Gluzman : “La troisième dépendance qu’il faut réduire en instaurant un plafond salarial, c’est la dépendance à l’actionnaire. L’année dernière, les comptes courants d’actionnaires, la façon que les actionnaires ont de combler le déficit, a explosé à 404 millions d’euros.
Nice doit 80 millions d’euros à son actionnaire. Rennes doit 80 millions d’euros à son actionnaire. Mais la pérennité d’un club ne peut pas reposer sur la générosité d’une personne physique. Si demain, ils décident de retirer la prise, qu’est-ce qui se passe ? C’est pour ça qu’un mécanisme de contrôle des dépenses est absolument essentiel.”

Deux formules existent

David Gluzman : “Il y a deux formats. Le format anglais : vous avez un déficit maximum autorisé sur trois ans et vous ne pouvez pas le dépasser (123 millions d’euros) ça permet de rester compétitif tout en se permettant certaines largesses. Mais il y a quand même un contrôle des dépenses.
Et l’autre qui, va nous être imposés, c’est ce plafond salarial, l’UEFA l’a déjà mis en place. Il a mis en place ce qu’on appelle un « squad cost control ratio ». C’est-à-dire que les dépenses joueurs, (= salaires, indemnité de transfert, commission d’agents) vont être limités à un pourcentage des revenus qui sera décroissant. C’était 90 % cette année, 80 % l’année prochaine et 70 % l’année d’après. Nous y serons obligés. Alignons-nous, légiférons.

Ce n’est pas normal que les clubs de Ligue 1 qui dévie de 27 % entre ce qu’il présente à la DNCG et ce qu’il dépense réellement, soient à la merci d’un changement du marché des transferts, du marché des droits TV, ou de la générosité d’un actionnaire. L’équilibre est beaucoup trop fragile pour nos clubs de Ligue 1.”

L’ASSE sauvée par son rachat

David Gluzman : “À Saint-Etienne, heureusement que les repreneurs sont arrivés. Il n’y avait plus de salary cap. Saint-Etienne avait un capital joueur quasiment nul, un actif joueur quasiment nul et une masse salariale démesurée. Ils ont énormément investi, notamment sur le plan salarial, pour monter.
Donc heureusement qu’ils sont arrivés Tanenbaum et Gazidis.
Un investisseur, quand il arrive dans un club, si le club est pérenne ou si les pertes sont réduites, bien évidemment, il va être beaucoup plus attractif. Tes premiers euros ne seront pas pour combler un déficit, mais seront pour créer de la valeur. C’est tout le problème de Bordeaux. Pourquoi Bordeaux a eu du mal pendant longtemps à trouver un investisseur ? Parce que le déficit était trop important, la masse salariale était démesurée. Et il n’y a pas un investisseur qui va se dire « Ok, d’accord, mais moi pour que je commence à investir, j’ai 40, 50, 60 millions de trous à combler ».”

Un Ligue 1 moins compétitive ?

David Gluzman : En ce qui concerne l’attractivité de la Ligue 1 et la compétitivité de la Ligue 1, c’est un championnat qui est plus dépensier que la Liga, plus dépensier que la Serie A. Et ça ne nous a pas forcément aidé sur le plan européen. La question, c’est non pas la quantité de compétitivité, mais aussi la pérennité des clubs. Dépenser moins et mieux, ça permettrait de mettre l’accent sur la data, sur le scouting, sur l’information, et d’être plus fiable.”